18 novembre 2017

Burn to run - Bruce Springsteen

Je ne lis habituellement pas de biographies. Je ne suis pas non plus du genre "groupie". Mais quand j'ai vu cette parution il y a maintenant un an, je n'ai pas pu résister : ce serait mon cadeau de Noël... 2016. J'ai profité de mes vacances estivales pour plonger dans les 620 pages du livre. Et une fois dans l'eau, je n'en suis sortie qu'une semaine plus tard, conquise par le récit et par l'écriture, rassurée aussi par la qualité de ce que j'avais lu et par l'image du personnage que j'avais pu entrevoir, ou imaginer, grâce à sa musique. Ce fut une bien belle consolation au temps pourri que nous avons eu durant cette semaine en Auvergne ! J'avais tout mon temps pour lire...

Born to run de Bruce Springsteen.
Éditions Albin Michel, 3 octobre 2016, 625 pages.


Présentation de l'éditeur :

En 2009, Bruce Springsteen et le E Street Band jouent à la mi-temps du Super Bowl. L’expérience est tellement grisante que Bruce décide d’écrire à ce sujet. C’est ainsi qu’a commencé cette extraordinaire autobiographie.
Au cours des sept années écoulées, Bruce Springsteen s’est, en secret, consacré à l’écriture de l’histoire de sa vie, apportant à ces pages l’honnêteté, l’humour et l’originalité qu’on retrouve dans ses chansons.
Il décrit son enfance, dans l’atmosphère catholique de Freehold, New Jersey, la poésie, le danger et les forces sombres qui alimentaient son imagination, jusqu’au moment qu’il appelle Le Big Bang : la première fois qu’Elvis Presley passe à la télévision, au Ed Sullivan Show. Il raconte d’une manière saisissante l’énergie implacable qu’il a déployée pour devenir musicien, ses débuts dans des groupes de bar à Asbury Park et la naissance du
E Street Band. Avec une sincérité désarmante, il raconte aussi pour la première fois les luttes personnelles qui ont inspiré le meilleur de son œuvre et nous montre que la chanson Born to Run révèle bien plus que ce qu’on croyait.Born to Run sera une révélation pour quiconque apprécie Bruce Springsteen, mais c’est bien plus que le témoignage d’une rock star légendaire. C’est un livre pour les travailleurs et les rêveurs, les parents et les enfants, les amoureux et les solitaires, les artistes, les dingues et quiconque ayant un jour voulu être baptisé dans les eaux bénies du rock’n’roll.

Rarement un artiste avait raconté son histoire avec une telle force et un tel souffle. Comme nombre de ses chansons (
Thunder Road, Badlands, Darkness on the Edge of Town, The River, Born in the USA, The Rising, The Ghost of Tom Joad, pour n’en citer que quelques-unes), l’autobiographie de Bruce Springsteen est écrite avec le lyrisme d’un auteur/compositeur singulier et la sagesse d’un homme qui a profondément réfléchi à ses expériences.


Ma lecture :

J'ai un peu hésité avant d'acheter ce pavé, craignant de ne pas trouver ma lecture à la hauteur de mon admiration pour l'artiste et de ma sensibilité à sa musique. Mais je ne pouvais pas passer à côté ! Surtout avec cette couverture, mettant en scène l'artiste à ses débuts et cette superbe Corvette étincelante. J'ai donc pris mon temps pour l'ouvrir, attendu d'avoir vraiment du temps devant moi pour le savourer pleinement. Une semaine de pluie cet été, loin de la maison et des écrans, est finalement bien tombée.

Et je n'ai pas eu bien longtemps à me demander si j'allais ou non être déçue. Dès les premiers mots, et l'avant-propos, j'ai su que j'allais retrouver dans ce livre l'image que je m'étais faite de l'artiste.

"Dans la ville balnéaire d'où je viens, avec son boardwalk, tout est un peu en toc. Moi, c'est pareil. A vingt ans, loin d'être un rebelle qui risquait sa vie au volant, je jouais de la guitare dans les rues d'Asbury Park et déjà j'avais obtenu une place de choix parmi ceux qui "mentent" pour servir la vérité... les artistes, avec un petit a." (Born to run, Bruce Springsteen, Editions Albin Michel, octobre 2016, page 7)

Ce livre est très dense, très riche, d'abord humainement, mais aussi par les sujets évoqués. On remarque également l'écriture, fluide et travaillée, qui témoigne du talent de son auteur à décrire un monde, une époque, des émotions... en peu de mots. Car ce qui caractérise l'Artiste, ce sont réellement ses textes. Comme il le dit dans ce livre, il n'était pas un musicien hors norme, n'avait pas une voix exceptionnelle (même si elle a depuis largement contribué à faire de lui la star qu'il est devenu) et devait donc investir pleinement le champ de l'écriture, du texte, des mots et de la poésie. Et c'est ce que l'on a plaisir à retrouver dans ce livre.

On ressent également avec force l'exigence de l'auteur. Même s'il ne s'étend pas trop sur le sujet, le lecteur perçoit bien, presque entre les lignes, le caractère intransigeant de celui que l'on surnomme The Boss. Si l'écriture est fluide et la lecture aisée, le travail de l'auteur est évident. Pour ce livre comme pour sa musique, il apparaît clairement que l'Artiste ne laisse rien au hasard. Exigence, travail, autorité, intransigeance aussi parfois... semblent des termes adaptés. Indispensable aussi, pour parvenir au niveau qu'il a atteint, avec son groupe, le E Street Band. Véritable chef d'entreprise, leader, il a su mener sa barque vers les sommets. Un travail acharné a pu faire de lui l'un des artistes ayant vendu le plus d'albums aux Etats-Unis et consacrer ce musicien autodidacte comme l'un des meilleurs guitaristes de tous les temps. Le tout, sans perdre sa capacité à se remettre en question et à prendre du recul.

Dans ce livre, et au-delà de son parcours d'Artiste, Bruce Springsteen nous donne aussi à voir de l'histoire de l'Amérique de l'après-guerre. Celle qui se réveille un matin avec Elvis Presley à la radio et qui frémit d'aspiration, de rêves et d'envies de liberté. On rencontre une Amérique prolétaire qui entre progressivement, et douloureusement, dans le siècle de la consommation, une Amérique croyante et patriarcale. Springsteen nous plonge aussi dans ce grand pays né des migrations européennes, irlandaises et italiennes particulièrement, où le courage et le travail permettent tout juste d'éviter la misère. C'est aussi l'Amérique du Vietnam et des mobilisations, celle des trop nombreux morts, des potes qui ne reviendront pas, ou terriblement blessés, physiquement et moralement. Celle de l'assassinat de Kennedy, du racisme anti-noirs... Mais c'est aussi le pays où tous les rêves semblent possibles. Le vent révolutionnaire de la musique anglaise, des Beattles et des Rolling Stones, secoue l'Amérique et fait naître des rêves déchaînés dans l'esprit de ces jeunes qui aspirent à une vie de liberté. C'est aussi l'Amérique des voitures, des motos, de ces grandes traversés d'Est en Ouest, et vice versa, en quête de lumière. Tout ça j'ai adoré.

"La mort et la jeunesse ont toujours constitué une combinaison enivrante pour les faiseurs de mythes. Et la haine de soi, dangereuse, violente, est depuis longtemps un ingrédient essentiel dans les feux de la transformation. Lorsque le "nouveau moi" s'enflamme et prend vie, ces frères ennemis que sont le contrôle et la démesure entrent immuablement dans la danse. C'est ce qui rend la vie passionnante. La tension entre ces deux forces rend souvent un artiste de scène fascinant à regarder, mais risque aussi d'en faire une croix blanche sur le bas côté de la route. Un paquet de ceux qui ont pris ce chemin ce sont brûlé les ailes, parfois jusqu'à la mort. Le culte de la mort est puissant dans le rock et il fait couler beaucoup d'encre, mais en pratique, l'artiste et ses chansons n'ont pas grand-chose à y gagner." (Born to run, Bruce Springsteen, Editions Albin Michel, octobre 2016, page 7)

J'ai également beaucoup apprécié dans ce livre, cette maturité d'un homme qui a traversé des décennies sans perdre ses principes, sa capacité à se révolter ou à s'émerveiller, à observer le monde et à l'analyser sans complaisance. On trouve entre dans ces pages de l'humour, caustique souvent, de la culture, musicale énormément et passionnément, littéraire aussi. Celui que j'ai découvert avec une retransmission d'un concert de la tournée Human Rigths Now ! de Amnesty International en 1988, n'a rien perdu de sa pertinence et de son humanité. Ce concert qui avait réuni à Philadelphie les talentueux Bruce Springsteen, Sting, Peter Gabriel, Tracy Chapman, Youssou N’Dour et même l’icône folk Joan Baez, a marqué toute une génération. C'est un peu de cet esprit engagé qui souffle dans les 625 pages de Born to run.

Il y a beaucoup d'autres choses dans ce livre que, vous vous en douterez, j'ai adoré ! Son parcours plus personnel, intime sans jamais être exhibitionniste,  ses doutes et ses tourments, ses déceptions aussi parfois... Je ne peux pas tout lister... mais je suis ravie d'avoir plongé à la découverte de cet artiste talentueux et d'avoir redécouvert ses chansons. Que vous appréciez les chansons et la musique de Springsteen ou non, vous y découvrirez une Amérique authentique et un homme qui l'est tout autant. Un vrai coup de cœur.

Souvenir de mes treize ans... avec cet extrait regardé en boucle d'après un enregistrement VHS du concert d'Amnesty International : The River, de Bruce Springsteen (ici en duo avec Sting).








2 commentaires:

  1. Tu arriverais presque à me convaincre de le lire, pour découvrir l'artiste.

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